Albert Montémont
1788-1861 Bibliotheèque universelle des voyages effectués par mer ou par terre dans les diverses parties du monde, depuis les premières découvertes jusqu'à nos jours\\: contenant la description de moeurs, coutumes … revus ou traduits par M. Albert-MontémontLes voyages sont l'école de l'homme; il ne peut faire un pas sans augmenter ses connaissances et en voir devant lui reculer l'horizon. A mesure qu'il avance, soit en observant par lui-même, soit en lisant les relations des autres, il perd un préjugé, développe son esprit, épure son goût, agrandit sa raison, s'accoutume à la bienveillance, et, par besoin autant que par justice envers l'humanité, se sent porté chaque jour à devenir meilleur, en se disant avec le philosophe anglais Tolland: Mundus domus est: omnes homines cognati [=Le monde est ma patrie, et les hommes sont frères] Le naïf Montaigne avouait ne savoir aucun moyen plus propre à façonner la vie que «de lui proposer la diversité d'autres vies, fantaisies et usances, et lui faire goûter une si perpétuelle variété de formes de notre nature.»
C'est aux voyages que l'on a dû la certitude matérielle de la sphéricité de la terre, sphéricité que les récits de Pythagore et les observations astronomiques laissaient entrevoir, et que Magellan vint confirmer au commencement du seizième siècle, à son retour de la première circumnavigation du globe. Les rapports commerciaux des peuples, des gouvernemens et des particuliers furent établis successivement par des voyages, depuis les Phéniciens, qui ouvrirent la carrière, jus
qu'au dix-neuvième siècle, où ces rapports ont pris de si grands développemens. La découverte de l'Amérique et du passage aux Indes orientales avait été le prix de l'aventurière et glorieuse audace de Colomb et de Gama, de même que des explorations récentes nous ont révélé la configuration des terres polaires, et différentes contrées de cette Afrique mystérieuse si fatale aux voyageurs européens. Mais personne ne dénie l'utilité et l'attrait des voyages, et plaider une telle cause serait le faire avec la conviction de ne pas trouver de contradicteur. Quittant donc un sujet à l'égard duquel tout le monde est d'accord, nous jetterons un rapide coup d'œil historique sur les voyages qui ont eu lieu depuis les temps les plus reculés jusqu'à la découverte du nouvel hémisphère. …
Dans ce coup-d'œil, nécessairement fort incomplet, notre but n'a pas été de traiter la matière avec de longs développemens; nous avons voulu simplement lier par un avant-propos les anciennes découvertes aux découvertes modernes, c'est-à-dire à celles qui partent de la fin du quinzième siècle. Cette liaison nous paraissant effectuée, nous n'avons plus qu'à exposer en quelques mots le plan que nous nous proposons de suivre dans cette nouvelle collection de voyages. Nous reproduirons d'abord les grands voyages autour du monde, en plaçant à leur tête les premières découvertes des Portugais sous Diaz, Gama, Cabral et
Alphonse Albuquerque; elles seront immédiatement suivies du premier voyage de circumnavigation qui ait été exécuté, c'est-à-dire celui de Magellan, cet autre Portugais dont le nom est resté au détroit ou passage qu'il trouva dans la partiè méridionale de l'Amérique, pour s'élancer de là dans le grand Océan, à qui son calme apparent mérita dans ce lieu le nom de Pacifique. Après ces voyages généraux par mer, qui sont communs à plusieurs continens, nous offrirons les relations particulières à chacune des cinq grandes divisions du globe, en observant autant que possible l'ordre chronologique indispensable pour apprécier le progrès des découvertes et la marche de la civilisation. Les élémens de notre collection universelle et méthodique seront puisés aux relations originales ou aux grandes collections françaises, anglaises ou autres, les plus accréditées; nous élaguerons, toutefois, les détails purement nautiques ou polémiques et autres superfluités ou circonstances indifférentes ou vulgaires, qui ne font que grossir les volumes sans aucun avantage pour la masse des lecteurs, plus volontiers attachée aux descriptions de pays, et plus désireuse d'en connaître les mœurs et usages, les productions et les gouvernemens. Parmi les vastes compilations dans lesquelles nous reprendrons ce qu'elles avaient déjà tiré d'ailleurs, celles de l'abbé Prévost, celles de La Harpe, de Pinkerton, de Navarette, et d'abord du président de Brosses, occuperont le premier rang; mais, lorsque nous pourrons nous passer de ces sortes d'encyclopédies, en recourant aux sources mêmes, nous le ferons de préférence, principalement dès que nous en serons arrivé aux relations plus modernes. Nous aurons aussi profité des indications renfermées dans le précieux travail de
feu Boucher de la Richarderie, c'est-à-dire de son analyse complète et raisonnée de tous les voyages anciens et modernes, analyse dans laquelle l'ordre chronologique a été scrupuleusement suivi : heureux si cette tâche peut être conduite à fin et nous mériter la bien-veillance publique.
ALBERT-MONTÉMONT